Jean-Richard BLOCH (1884-1947). 33 L.A.S.... - Lot 183 - Conan Belleville Hôtel d'Ainay

Lot 183
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Estimation :
3000 - 4000 EUR
Jean-Richard BLOCH (1884-1947). 33 L.A.S.... - Lot 183 - Conan Belleville Hôtel d'Ainay
Jean-Richard BLOCH (1884-1947). 33 L.A.S. à Antonina Vallentin (1893-1957), et à son époux Julien Luchaire [29 à Valentina, 2 à Julien, et 2 adressées aux deux]. Meudon, Leipzig, Paris, Belgrade et « à la Mérigote » [sa propriété-refuge près de Poitiers], 1927-1947. Nombreuses enveloppes. Une écrite sur une carte représentant la Mérigote. 74 pp. in-4 (essentiellement) et in-8. Magnifique et très intéressante correspondance intime et intellectuelle, essentiellement adressée à Antonina dite « Tosia », journaliste, peintre, écrivain, co-éditrice de la revue Nord und Süd ; elle tenait un des salons berlinois les plus importants dans les années 20, et était l'ami de Thomas Mann et Stefan Zweig. Elle se maria en 1929 avec Julien Luchaire, directeur de l'Institut international de Coopération intellectuelle, et vécut alors à Paris. Leur relation intime prend forme lors du voyage en Allemagne de Bloch et dans le train du retour, il écrit ces mots. « Je n'ai pas pu répondre librement à la douceur de votre voix et à la tendresse de votre adieu. Cette visite, que j'ai pu vous faire ce matin, cette courte apparition de vous pendant ces quelques minutes, après la grande déception d'hier, m'ont rempli d'une étrange et mélancolique allégresse. Il me paraît peu croyable que vous ne soyez pas tout à l'heure sur le quai de gare où je vais descendre, et que je ne vous trouve pas au détour de mon chemin, à présent que j'ai repris ma vie vagabonde. Quelques heures de solitude en commun dans une petite ville d'Allemagne par cette adorable saison, -était-ce un rêve trop ambitieux ? Mon Dieu, que Cologne est loin, et ces bords du Rhin bruyants ! Il y a des escales, entre Vienne et Paris ! Que vous étiez donc vous même, ce matin, -(je crois). Je vous emporte dans la paume de ma main, dans le pli de mes paupières, dans l'ombre de mes cils. Que votre pouvoir est singulier ! Tosha, énigmatique Tosha, orient et occident mêlés, sagacité et folie, froideur et enthousiasme, habileté et maladresse, force et faiblesse, femme-homme et femme-enfant, orgueil et humilité, fureur et douceur, que vous me plaisez dans votre complexité, pour moi seul, peut-être, aisément déchiffrable. Vous êtes tellement ma semblable, ma soeur de race, libre et primitive jusque dans ce décor de raffinement, où vous vous mouvez avec la grâce propre à ceux qui n'en sont pas les prisonniers [] ». Il évoque sa visite chez Stefan Zweig à Salzbourg, la représentation de la Nuit Kurde à Genève, raconte ses rêves. « J'ai rêvé de vous, dans la nuit de samedi à dimanche, avec une obstination, une insistance que des réveils successifs ne parvenaient pas à décourager. J'étais fiévreux. Vous étiez désespérée. Je n'arrivais pas à soulager votre chagrin qui était sanglotant et infini, pourtant viril, et d'autant plus émouvant. Je rêvais aussi qu'au lieu de l'ormeau de la Wichmannstrasse, il y en avait deux. Nous étions ces deux ormeaux, les pieds retenus sous l'asphalte, la tête battue par le vent, derniers survivants de la grande forêt primitive, spécimens monstrueux d'une race libre, au milieu de cette cage de briques, de ciment, d'acier et d'esclaves. Nous nous désolions l'un à côté de l'autre, sans une plainte [] ». La correspondance s'égraine ainsi, de la passion des premiers mois à une conversation sur sa vie, son travail, ses séjours à Mérigote, ses voyages, les événements politiques, leurs amis communs. « R. Rolland et Gandhi ? Le chiendent c'est que je n'ai pas davantage écrit à Rolland, depuis des trimestres, que je n'ai écrit à âme qui vive. J'ai lu des lettres de lui, dans l'Humanité, qui le montrent rallié sans réserves à la politique léniniste (fin de la non-violence, l'insurrection armée, etc.) [] ». Il évoque également la Mérigote. « Je suis éreinté. Paris [], les évènements de ces derniers temps, publics et privés, m'ont fait trouver le calme lumineux et la sérénité aromatique de ma vallée plus adorables encore que d'habitude [] ». La correspondance s'interrompt durant les années de guerre, pour reprendre en 45 : reprise de la rédaction de Ce Soir, problèmes de santé, et la désolation à la Mérigote : « J'ai dû venir dans notre bicoque pillée, souillée, aux vitres cassées, pour tâcher d'y surmonter cette crise aigüe de surmenage qui m'avait mis par terre [] ». La dernière lettre est datée du 6 mars 1947, 9 jours avant son décès. Elle se conclut ainsi : « Je vais partir me reposer dans le midi. Ordre de mon Parti. Dites encore que ce n'est pas un chic Parti ! ».
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